J'aurais bien voulu "tomber" sur un pédiatre aussi compréhensif...
Donc, ici, le protocole prévoit un biberon de lait en poudre d'emblée ( quel accueil !), des tétées à heure fixe, des tests et des compléments.
Quand on m'a expliqué en quoi consistait ce protocole, j'étais encore sur la table d'opération ( j'ai une césarienne ) : j'ai seulement réussi à dire que "ça ne me convient pas" et j'ai éclaté en sanglots.
Autour, elles me rassuraient : "votre bébé va bien", "ça n'est pas grave"...
Et moi, je radotais : "je ne veux pas""ça ne me convient pas".
Arrivé en salle de réveil, elles m'ont apporté Armand ( qui m'attendait dans l'écharpe en peau à peau avec papa ). Il ne voulait pas téter, mettait sa langue au palais, rentrait sa lèvre inférieure. Autour, la pression montait : "il faut qu'il tète""il faut qu'il tète". OUIIIIIIIIIIIIIIII ! je m'y applique !
Une aux de puer est arrivée avec un biberon et un ordre : "il faut que je lui donne"
Je lui ai dit que oui, elle, il fallait qu'elle lui donne, qu'elle avait des ordres et que je comprenais tout à fait, mais que moi, en tant que parents, est-ce que je pouvais refuser ?
Elle m'a dit que oui, je pouvais.
Alors, je lui ai dit que je refusais.
"Il faut que j'en réfère au pédiatre"
Et elle est partie.
Comme ça devenait particulièrement tendu, j'ai été transférée dans ma chambre avec mon bébé avec moi.
Arrivé là, l'aux est revenue avec le même ordre.
Nous y avons opposé le même refus.
"Il faut que j'en réfère au pédiatre" ( j'ai bien l'impression qu'elle ne l'avait pas fait la première fois... mais connaissant le pédiatre, maintenant, je me dis que la pauvre ne devait pas être très fière !)
Et Armand et son papa sont partis pour la première prise de sang ( elles étaient 3 espacées de 3 h dans le protocole ).
A leur retour, le pédiatre est arrivé.
Furieux.
Vociférant.
Nous traitant de parents inconscients, irresponsables.
Qu'il allait en référer au juge des affaires familiales pour nous faire retirer la responsabilité légale du bébé.
Il se félicitait de la présence de notre fille pour qu'elle entende qui étaient ses parents.
Il criait.
Que nous ne pouvions pas savoir car nous n'étions pas médecins.
Que le lait maternel n'était pas la panacée.
Que notre fils allait devenir neuneu. "C'est bien ça que vous voulez, n'est ce pas ? qu'il devienne neuneu !"
Qu'il allait être transféré en service de pédiatrie ( à l'autre bout de l'hôpital ) et que je ne pourrais pas aller le voir ( à cause de la césarienne )
...
C'était particulièrement violent.
Surtout quand on vient d'accueillir un nouveau né, qui a deux heures, qu'on est en famille pour présenter ce tout nouveau membre à notre fille aînée et constituer ce qui sera notre famille à l'avenir...
Nous n'avons pas pu en placer une.
Jusqu'à ce qu'il demande pourquoi nous refusions ce "protocole international".
C'est alors que j'ai dit que nous étions une famille d'intolérants au lait de vache et que ça pouvait représenter un danger vital pour notre bébé.
Silence de "monsieur le médecin"
Il a dit que les tests seraient fait et qu'au moindre problème, notre bébé recevrait des hydrolysats.
Et il est parti.
Nous laissant anéantis, blessés, moi pleurant...
Construire une nouvelle famille sur ce "massacre"
Dur.
Il m'a fallu du temps pour que la "rencontre" avec Armand se fasse, même si la conscience très nette que nous étions SES parents, responsables de lui, a été immédiate !
Mais cette douce rencontre, cette reconnaissance d'une mère avec son bébé, je ne l'ai connue que plus tard, au calme, dans l'intimité d'une chambre enfin seule...
Ce accueil reste parmi les souvenirs les plus douloureux de notre existence, et nous savons qu'ils marqueront à jamais la date de la naissance de notre fils.
Et le fait d'avoir notre bébé en bonne santé dans nos bras ne nous enlèvera pas ce mauvais souvenir ! c'est une pensée habituelle contre laquelle je m'insurge : c'est trop facile de faire croire aux mères qu'on peut tout leur faire passer en leur disant qu'elles ont de la chance et que l'essentiel, c'est que leur bébé aille bien !
J'aimerais bien finir ce mot sur une note positive, mais je me rends compte que ce premier anniversaire remue des émotions encore fortes, entre colère et frustration... pour combien de temps encore ?